Pourquoi les transats ne partent pas toujours à l’heure

Les amoureux de voile prennent leur mal en patience. Le départ de la transat Jacques Vabre a été retardé au lundi 3 novembre 2013, puis pas avant le jeudi 7. Sur France 3, le skipper Jérémie Beyou réagissait à l’annonce de cette décision. “On voyait arriver ce coup de vent depuis plusieurs jours”, a-t-il déclaré au Havre, d’où part la course. “Nos bateaux sont normalement capables d’affronter ces vents-là.” Pourquoi la direction a-t-elle alors décidé de reporter le départ?

Comme nombre de disciplines sportives, la course au large se pratique en plein air. Les reports de courses sont donc réguliers. Le départ de la transat Jacques Vabre est ainsi décalé pour la troisième fois, après 2003 (4 jours) et 2011 (3 jours). La Mini-Transat, finalement partie en octobre avec 16 jours de retard, a connu deux autres reports ces dernières années (2003 et 2007). Le Vendée Globe n’y a eu droit qu’une seule fois, en 2000. Depuis peu, les organisateurs réfléchissent à la possibilité d’imposer l’avancement des départs, afin de conserver une meilleure fenêtre météo.

Pour échapper au mauvais temps qui règne à l’automne en Manche et dans le golfe de Gascogne, les organisateurs de course pourraient avancer leurs dates de départ de leurs épreuves, plutôt que de les faire partir fin octobre-début novembre, comme c’est le cas de transat Jacques Vabre, de la Route du Rhum ou du Vendée Globe. Une solution efficace pour la partie européenne de l’épreuve, mais beaucoup plus dangereuse pour le reste du parcours : la saison cyclonique en Atlantique s’étire officiellement du 1er juin au 30 novembre, avec, pour les Antilles, une probabilité plus forte de mi-août à mi-octobre. Voilà pourquoi les courses prennent leur envol si tard à l’automne…

Les marins le savent : mieux vaut encaisser un coup de chien au large qu’à proximité de la côte. Avec la remontée des fonds, et particulièrement dans le golfe de Gascogne, à l’approche du plateau continental, la mer est plus mauvaise qu’au large. En haute mer, les coureurs peuvent se mettre en fuite pour échapper à la tempête ; à quelques milles du rivage et des rochers, la situation peut vite devenir scabreuse. La Manche, que les concurrents de la Jacques Vabre doivent remonter depuis Le Havre, concentre toutes les difficultés : courants violents, côtes proches, mer agitée, auxquelles il faut rajouter un intense trafic maritime.

Chacune dans leur catégorie, les machines amarrées dans le bassin Paul Vatine au Havre sont ce qui se fait de mieux en matière de voiliers de course. Des bijoux de technologie entre 400 000 (pour les Class40) et 3,5 millions d’euros (pour les Imoca 60 du Vendée Globe), fruit d’années d’expérience et de recherche. Les sponsors misent investissent de grosses sommes dans ces projets (jusqu’à 2,5 millions d’euros par ans, pardois). Alors, avant les envoyer affronter des conditions difficiles, au risque d’abîmer voir de perdre le bateau, organisateurs, marins et partenaires y réfléchissent à deux fois. Les conséquences d’un report de course ne sont pas nulles non plus: opérations de relations publiques annulées, direct TV supprimés, manque à gagner pour les villes de départ, etc.

Organiser une épreuve à travers l’Atlantique n’est pas anodin. Et même si l’article 4 du chapitre “Règles fondamentales” des règles de courses à la voile, édictées par la Fédération internationale de voile, précise que ” la décision d’un bateau de participer à une course ou de rester en course relève de sa seule responsabilité”, les organisateurs engagent également la leur. “On peut faire signer toutes les déclarations de départ que l’on veut aux marins, nous ne sommes pas couverts”, explique Sylvie Viant, directrice de course de la transat Jacques Vabre. En clair, les responsables de la course peuvent très bien être poursuivis s’ils ont lancé le départ dans des conditions jugées imprudentes. “Et si le lien de causalité entre l’accident et la décision des organisateurs est direct”, précise Christophe Gaumont, président du comité de course. Quand elle prend la décision de lancer ou de reporter le départ, Sylvie Viant assure que “l’aspect juridique n’entre pas en compte”. Avant de préciser : “Ce qui compte, c’est la sécurité des bateaux et des skippers.”

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