Ils n’ont pas arrêté, pas une seconde, de chanter, danser, d’exhiber leur drapeau et leurs couleurs, rouge et blanche, dès la fin de l’après-midi, aux abords du Stade de France. Sans baisser de volume, ni se lasser d’arpenter, sous un grand drapeau turc, la rue Jules-Rimet, dans un flux et reflux aussi entêtant que les chansons de Tarkan et de Fatih Bulut que les enceintes ont crachées durant des heures. Seule l’ouverture des portes du Stade de France, deux heures avant le coup d’envoi de France-Turquie a réduit la troupe des fans turcs sur l’esplanade, sans nuire à l’ambiance festive et foutraque depuis la fin d’après-midi. Au contraire, l’espace se libérant devant le café brasserie Le Rendez-vous, en face de la Porte B du SDF, les supporters ont pu esquisser des pas de danse, loin d’un contexte géopolitique lourd avec l’intervention militaire turque en Syrie, dans une zone principalement peuplée de Kurdes. Que tous avaient en tête mais qu’ils ne souhaitaient pas voir parasiter la rencontre : « On est venus de partout de Belgique, de France, de Strasbourg, de Lyon… On est fiers de notre équipe mais on ne cherche pas la bagarre, on est juste venu assister à cette finale du groupe. Bien sûr que le Stade va être turc mais il n’y aura pas débordement. Et je pense même que la Marseillaise ne sera pas sifflée », assurait Serkan Avci, chauffeur VTC de 29 ans.
Un refus évident de « mélanger le sport et la politique » mais qui n’échappait pas à des chants pro-Erdogan et anti-PKK (« On les maudit »), ni à des saluts militaires similaires à ceux des joueurs turcs lors de la rencontre face à l’Albanie. Osman, Franco-turc de 21 ans et gérant dans le BTP à Reims, cherchait, lui aussi, à dédramatiser le contexte autour de la rencontre : « Vous le voyez, l’ambiance est gentille, tout le monde chante, danse. Si on ne cherche pas la merde, on ne la trouve pas. » Sa position sur Erdogan et l’intervention militaire ? « Il y a ce que disent les médias turcs et ce que disent les médias français. Pour ces derniers, Erdogan attaque les Kurdes alors qu’il ne fait qu’attaquer le PKK, qui est un mouvement terroriste. Erdogan ne fait que nettoyer notre frontière. Mais les Kurdes, eux, sont nos frères. Mon meilleur ami est kurde, il est même pro-PKK alors que je suis pro Erdogan mais il sait que je serai toujours là pour lui et lui pour moi. »
Plus loin, les chants reprennent sans équivoque, beaucoup à la gloire de l’armée turque : « Les militaires turcs ne meurent jamais, ils sont toujours dans notre coeur. Le pays n’est jamais divisé. » Les rumeurs d’une éventuelle manifestation pro-kurde, qui aurait pu faire dégénérer la situation, atteignent à peine le coeur de la foule qui, une heure avant le match, dansait, encore.