Jeunes, déçus de la politique, activistes, nostalgiques : depuis le printemps 2016, ils se retrouvent dans le «cortège de tête» pour défiler hors du cadre des syndicats qu’ils jugent dépassés, mais ne sont aujourd’hui pas épargnés par les interrogations face à une mobilisation qui s’essouffle.
Apparu au printemps 2016 à l’initiative des lycéens qui, après leurs blocus matinaux, s’emparaient – avec l’accord tacite des syndicats – de la tête des manifestations contre la loi El Khomri, ce «cortège de tête» réunit, à Paris, Rennes, Nantes ou Toulouse, plusieurs milliers de personnes contestant un «système» allant de la loi travail aux violences policières. Outre des militants de la mouvance autonome, il draine aussi des manifestants d’horizons divers. «Il y a beaucoup de déçus du hollandisme, on a même vu des mecs du PS manifester avec nous», raconte un militant antifasciste parisien. «C’est un espace de contestation libre, libertaire. Le dénominateur commun, c’est s’affranchir des partis et des syndicats pour faire entendre notre voix», explique Michel, fonctionnaire retraité qui a déserté les carrés CGT pour ce cortège «revigorant». Avec une jeunesse qui veut «foutre le zbeul» (mettre le bazar), se revendique «ingouvernable», des slogans insurrectionnels originaux («La France qui se soulève tôt», «Je vous salue ma rue»…), «ça a un petit parfum de Mai 68», sourit-il.
D’anciens militants d’extrême gauche y gravitent aussi, retrouvant ainsi une pratique de «piratage de manifestations» déjà connue dans les années 1970, selon le chercheur indépendant spécialiste de l’ultragauche Jacques Leclercq.